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L’ascenseur émotionnel

La troisième manche de la 51e Solitaire du Figaro, avec ses 492 milles théoriques entre Dunkerque et Saint-Nazaire, restera assurément à jamais parmi les grandes étapes de la course. Au final, après avoir été marquée par d’innombrables retournements de situation, elle a finalement offert la victoire à Fred Duthil, auteur d’un coup de maître en prenant la flotte à contre-pied au niveau de Belle-Ile. Jusque dans ses dernières longueurs, ce troisième acte a donc maintenu un suspense insoutenable et mis les nerfs des marins à rude épreuve. Ceux des skippers de la Filière d’excellence de course au large Bretagne – Crédit Mutuel de Bretagne n’y ont, évidemment, pas échappé, tous étant passé, comme l’ensemble de leurs adversaires, par toutes les couleurs de la palette émotionnelle, mais aussi par tous les étages au classement. Au final, Tom Laperche a signé une jolie 6e place, ce qui le propulse dans le Top 3 au classement général. Pour sa part, Loïs Berrehar, auteur d’un début de course parfaitement maîtrisé qui lui a permis d’occuper un temps les commandes de la flotte, a commis une toute petite erreur au large de Portsall avant surtout de se faire piéger en baie de Quiberon, à moins de 20 milles de l’arrivée. Il termine ainsi à la 28e place de la manche, juste derrière Elodie Bonafous qui, pour ce qui la concerne, a fait preuve d’une abnégation sans bornes après avoir compté jusqu’à plus de 30 milles de retard sur les leaders. La skipper Bretagne – CMB Océane est en effet parvenue à recoller au peloton. Aussi, si elle a un temps pensé que ses ambitions de podium bizuth s’envolaient, que nenni ! La Finistérienne reste dans le match et elle compte bien, comme ses deux acolytes de team, signer une belle dernière étape ce week-end pour finir en beauté !

Bretagne CMB Voile
© Alexis COURCOUX

« C’est un truc de malade cette Solitaire du Figaro ! Vivre autant d’émotions et autant de situations différentes en un temps aussi condensé, c’est incroyable ! », a déclaré Tom Laperche, hier soir, peu après son arrivée à Saint-Nazaire. Difficile de mieux résumer ce qu’ont vécu les 33 marins toujours en lice dans la compétition durant ces quatre derniers jours entre la cité nordiste et l’estuaire de la Loire. « Lors de cette troisième étape, j’ai eu des ascenseurs émotionnels incroyables ! Incroyables et horribles à la fois ! », raconte Elodie Bonafous. « J’ai vraiment trouvé ça dur et ce, dès le début. Lors de la première nuit, peu après Dieppe, j’ai pris un casier. J’ai pensé que c’était des algues mais en réalité, c’était un bout enroulé autour de mon arbre d’hélice. J’ai plongé lorsque cela a été possible, au lever du jour. J’y suis allée le couteau entre les dents mais ça m’a pris énormément de temps et d’énergie. Le pire c’est qu’ensuite je me suis retrouvée dans tous les mauvais timings. J’ai ainsi passé le cap de la Hague et Aurigny avec le courant de face. Ça a été dur mentalement. J’ai pleuré de rage, de colère et de déception mais j’ai réussi à débrancher mon cerveau et à me reconnecter à l’essentiel : naviguer et faire avancer le bateau », a détaillé la navigatrice qui s’est alors retrouvée hors de portée VHF et AIS avec ses concurrents. « Je me suis accrochée à des petites choses. A un moment, par exemple, au large de la baie de Morlaix, j’ai reconnu les odeurs des champs de Saint-Pol-de-Léon. Ça m’a reboostée et plus encore lorsque je me suis rapprochée de Marc Mallaret. Je n’ai alors eu plus qu’une idée en tête : le laisser derrière moi ! J’ai cravaché dans le brouillard au large de la pointe bretonne et d’un coup, en arrivant à l’Occidentale de Sein, j’ai vu tout le monde apparaître de nouveau sur mon AIS ! J’ai pleuré de nouveau, mais cette fois de joie ! », a commenté Elodie qui a alors entamé une sorte de deuxième course. « Je suis complètement revenue dans le « game ». J’ai hésité à passer au sud de Belle-Ile mais comme je venais de passer deux jours à tout remonter, j’ai eu trop peur de tout reperdre d’un coup. Je n’ai cependant pas de regret. Je suis trop heureuse de finir dans le paquet », a assuré Elodie qui pointe maintenant à la 26e place au général, à seulement 26 minutes de la troisième place bizuth.

On ne sait jamais…

De son côté, Loïs ne cache évidemment pas sa déception mais ne se flagelle pas non plus, bien conscient que la chance ne sourit pas toujours à tout le monde et que d’autres, comme Xavier Macaire ou Sam Goodchild qui ont aussi été des grands animateurs de cette étape, ont également été bien mal récompensés des efforts fournis. « C’est la dure loi de la course au large. Parfois c’est comme ça. Je suis néanmoins content de mon début de course. J’étais satisfait d’avoir signé un podium lors du premier round mais je ne l’étais pas de ma deuxième manche car je n’avais pas réussi à naviguer à mon niveau. Je suis donc parti avec l’envie de gagner cette troisième étape. J’ai bien bossé, j’ai bien navigué et j’ai tout mis en place pour y arriver mais les choses se sont jouées différemment. J’essaie de rester indulgent avec moi-même car au final, j’ai commis une erreur à Portsall qui m’a fait perdre du terrain mais je suis bien revenu ensuite, à un mille des premiers à 30 milles de l’arrivée. Ensuite, je suis rentré dans la baie de Quiberon. Ce n’était pas un choix puisque c’est en fait le courant qui m’y a emmené. J’ai fait avec ce que j’avais à ce moment-là. Il m’a manqué un part de chance », a commenté le skipper Bretagne - CMB Performance qui n’a, de fait, pas à rougir de sa prestation, même s’il rétrograde de la 14e à la 21e place au général. « Je ne baisse pas les bras pour autant. Les écarts finaux qui se sont créés sur cette troisième étape se sont faits dans les trois dernières heures. On ne sait donc pas ce qui se passer sur cette ultime étape, même si elle ne doit pas durer plus de 24 heures ! »

 

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